Hommage à Gérard

Merci à vous tous d’être présents aujourd’hui dans la chapelle de Montrieux- le-Vieux rénovée par Gérard. Merci à nos amis fidèles, merci à notre maire Jean-François et à Dominique.

Gérard adorait sa famille, ses enfants et surtout ses petits-enfants mais en plus il adorait les grands projets… compliqués.

Il retrouvait en Montrieux, les grandes étendues de vigne qu’il parcourait avec ses frères et ses cousins en carriole : le domaine de son oncle et sa tante à Oran. Son rêve s’est réalisé avec Montrieux.

Lorsque nous sommes arrivés dans ce lieu sauvage entouré de verdure, je revois les champs de narcisses. C’était superbe ! Les restanques avec les chèvres…

Toute la famille participait aux travaux des champs ; Je revois Arnaud sur le tracteur.
Tout le monde avait une faux à la main et coupait les herbes folles. C’était la découverte des travaux des champs, la découverte des balades en poney. La découverte de la pêche à la truite dans le Gapeau et pour Zoé, c’était la découverte de la ferme avec les chèvres.

Je me souviens de notre premier rendez-vous chez le maire Jean-François. Michel et Gérard avaient déplié l’immense carte du site de Montrieux avec tous les travaux à réaliser. Je me souviens de l’étonnement de Jean-François en voyant l’ampleur des travaux, notamment l’étang ou plutôt le lac à creuser en bordure de la forêt.

Nous avons été ensuite bercés par l’ampleur de tous ces travaux et dynamisés par tous les tableaux Excell de Gérard où chacun avait sa tâche à exécuter. Les comptes-rendus, les échanges de comptes-rendus de Gérard et de Michel notre architecte. Les réunions, les déjeuners mouvementés avec les architectes des bâtiments de France.

La restauration de la chapelle, la calade réalisée à l’ancienne.
La route serpentée pour arriver jusqu’à la salle Eiffel bordée de plantations où avec Gérard armé d’un râteau, nous retracions les courbes de la route parce que les gravillons s’étaient échappés avec les torrents de pluie .
Les plantations en bordure de l’étang, les nénuphars que nous avions déposés avec délicatesse dans l’étang, les agapanthes en bordure, les lys sauvages, les roseaux.
Je me souviens du pépiniériste d’Olioul me disant : « MADAME vous devriez dire à votre mari d’acheter ma pépinière ce serait plus simple pour vous »

Après tous ces travaux, le lieu devenait magique ; le soir l’étang était éclairé, la Chapelle brillait de ses guirlandes de lumière. Et le 9 mai 2015 nous avons inauguré le site avec toute la famille, tous les amis et toutes les personnes qui avaient participé aux travaux.

Ce projet, cette réalisation magnifique était l’œuvre de Gérard. Nous y avons participé avec ferveur. Nous avons fait déposer en son hommage cette stèle qui témoignera par-delà les temps de la grandeur et de la générosité de Gérard.

Merci à toi Gérard, de nous avoir appris à réaliser un si grand et magnifique projet !

Marjorie, Chapelle de Montrieux, 12 août 2022.

 

Les toasts

Cher Adrien,

T’en souviens-tu ?
C’était le 20 septembre 1989. Notre trois-mâts sortait du port de Saint-Malo et tels des corsaires, portés par un vent de nord-nord-ouest, nous mettions le cap sur l’Océan Indien.

Après trois mois de navigation, nous étions en vue de l’île Maurice « le pays parfumé que le soleil caresse » a écrit Baudelaire…
Moi, je ne pensais pas aux parfums mais plutôt à ces boissons des îles dont déjà les noms me faisaient tourner la tête.

Arès avoir affalé les voiles et ancré le trois-mâts, nous débarquions aux Roches noires, avec aux lèvres un goût de sel. Je te revois bombant le torse et faisant le marlin sur la plage au milieu des crabes moqueurs.
Et je revois Lauriane et toi vous endormant comme deux anges sur un banc d’église à Port Louis, le soir de noël.

Les années passèrent et après de belles aventures en Australie, au Chili, du côté de Nairobi, vers la Laponie, à Assinie, en Berry, et même… à Paris, tu as rencontré dans une contrée étrange appelée je crois, ONU-LULU celle que tu attendais et que tu as appelée « ma princesse »

Et nous voilà 33 ans après les Roches noires, réunis ici sur les traces mêmes des premiers navigateurs hollandais, pour fêter votre union Divya et toi.

Qu’elle soit douce, harmonieuse, pleinement heureuse et qu’elle soit une source d’inspiration pour vous et pour nous.

Papa Cash, Flic-en-Flac, 24 avril 2022


Comme Divya,
Vous n’avez pas pu résister à son charme, ses beaux yeux verts,
Son humour enchanteur, son sourire ravageur. Mais il faut que vous sachiez certaines choses à son sujet … même si c’est trop tard.

Adrien Ranchon est souvent impatient, parfois susceptible,
Toujours mauvais joueur, surtout lorsqu’il joue au scrabble avec sa sœur.

Adrien, c’est un romantique, un idéaliste, un grand sensible, avec un immense cœur. La famille, ses fidèles amis, c’est tout pour lui. C’est le « Zouzou » de sa maman chérie . Le fils adulé de son Papa Cash . Le « Titi »,  le « Tio » de ses neveux adorés. C’est mon frère, mon héros.

Il a été bercé en Berry par le chant des grenouilles, la pêche aux rats, la guitare et les chants, autour des feux de camp.

Il a parcouru le monde entier, avec pour seul bagage son insatiable curiosité. C’est un passionné de montagne, de nature, de sensations fortes, de sport en tout genre. Rien ne l’arrête lorsqu’il a une idée en tête.

Tu te souviens ? Tu devais avoir 16 ans. Cette soirée ensemble dans la savane en Tanzanie… Ce silence complice qui nous a lié à jamais, sous ce ciel majestueusement étoilé.

C’est là, je crois que tu as décidé que jamais,
Tu ne renoncerais à tes rêves.
Jamais tu ne te résignerais,
Et qu’une fois ton étoile trouvée,
Tu ferais tout pour aller la chercher.

Cette étoile, tu l’as trouvé, c’est la divine Divya.
Aussi déterminé que toi, c’est la seule personne que je connaisse qui a eu le courage d’apprendre à skier ski à 30 ans ! Je suis admirative.
Prête à tout, même à te suivre sur les sommets escarpés.
Tous les deux… Vous êtes tellement beaux.

Vous avez réussi à déjouer toutes les lois : culturelles, géographiques
Mais aussi mathématiques.
Tout petit, on nous apprend qu’un plus un égal deux
Vous démontrez ce soir que vous deux, ensemble réunissait toutes ces personnes autour de votre amour.

Vous êtes très forts !
On vous souhaite tout le bonheur que vous méritez.

Lauriane, 24 avril 2022, Flic en Flac.

Saint-Laurent, 11 rue Stora

Comme toute l’Algérie, la ville d’Oran ne sait pas se souvenir. Ou seulement d’une seule histoire, celle de la guerre. Et les autres ? L’histoire de ses juifs ? De ses célébrités ? De ses souterrains inconnus ou de ses Espagnols ?

Ici, les murs sont un vieux livre écrit dans plusieurs langues qui se chevauchent dans un ressac figé et dont on ne sait lire que quelques mots. Les rues, les places, les ponts, les sièges d’institution ont les noms des martyrs. Les magasins ont désormais des noms turcs. Les parfumeries ont des noms de Paris et les cafés, comme des antichambres du rêve, ont les noms de l’Espagne. Il n’y a pas de rue « Albert-Camus », par exemple. Parce qu’on aime ne pas lui pardonner d’avoir choisi l’inconfort plutôt que les armes. Une phrase traverse l’esprit, celle de Borges : « Mourir pour une religion est plus simple que de la vivre pleinement. »

C’est au moment où je visite la maison où ce génie a vécu que je découvre qu’il avait été logé au 11, rue Stora, au cœur de l’un des plus vieux quartiers d’Oran « le Plateau ». Brusquement, le rapport de l’historien, si débattu ces jours-ci, fervent de la reconnaissance par la connaissance et l’acceptation douloureuse du passé, de part et d’autre de la mer, est suspendu dans les airs, juste dans la ruelle. L’Histoire, qui est peut-être le one-man-show d’un Dieu, voudrait nous expliquer qu’en Algérie, « ça » commence ici, si on le veut vraiment : restaurer cette maison, la réhabiliter, en faire un lieu de pèlerinage des sens et des mémoires, y parapher un avenir.

Car l’homme qui a vécu ici a su rendre célèbre le fugace érotique, la désincarnation exhaussée par les tissus et les parfums, le trait, la courbe, l’aile devenue élan. On ne sait si les dieux ont des garde-robes, mais on sait que les femmes et les hommes sont habillés souvent par Yves Saint Laurent.

À Oran, le ciel est souvent décidé par la mer : si elle est grise, il en reprend le chagrin. Si elle est bleue, il s’en fait le miroir. Ou est-ce le contraire ? Toujours est-il que, même entre les vieux immeubles du quartier, on peut voir la mer en fixant le ciel. Des enfants nous apostrophent, car nous sommes accompagnés d’un photographe. L’appareil fascine les pays profonds, partout dans le monde. Les enfants y voient une machine à sélectionner les choses importantes de leur monde. « C’est pour un film ? On peut y jouer ? »

Un enfant d’Oran. On entre. La vieille maison où le « Saint d’Oran » a grandi est en réfection, mais l’entrée est bouleversante de lumières piégées. Un ami l’a achetée et espère la rénover, sur ses propres fonds. Par amour. « C’est ma plus vieille passion », répète-t-il, ému. Une vraie. Marrakech avait inauguré un musée pour YSL, mais c’est à Oran qu’on aurait dû le revendiquer si seulement l’Histoire n’était pas un monologue du régime et des vétérans de la guerre.

La maison, rachetée, est à deux niveaux. En bas, vivaient des proches d’YSL, en haut l’atelier et l’appartement. Il reste peu des anciens temps, un carrelage que l’on tente de préserver. Mon ami a réussi à retrouver quelques meubles et objets de la maison, par miracle. On déblaie, on retrouve sous les faïences hideuses les anciennes traces, on tente de sauver cette histoire, l’autre histoire de l’Algérie que l’Algérie refuse. Pour ce passionné, ce n’est pas une lubie, mais une envie d’être riche de sens.

Je m’attarde dans l’atelier du génie. Il ne reste rien que cette ombre obscure de la pièce. Le creux de la niche où le couturier est peu à peu venu au monde par lui-même. Des étagères, un papier peint. Il faut tout restaurer : l’architecture, les murs, la façon de se souvenir en Algérie, la richesse refusée, le visage d’YSL, ses premiers coups de crayon, une filiation. Yves Saint Laurent habita pendant dix-huit ans au 11 rue Stora. Je ne m’y attendais pas. L’histoire est plus riche que n’importe quel discours ou déni. Il suffit de se pencher pour ramasser des morceaux d’éternité insécables.

D’après Kamel Daoud, Le Point février 2021

Akwaba en Côte d’Ivoire !

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